Comme toutes les plus belles histoires, celle-ci commence à la table d'un bar. D'un bar de San Lorenzo, pour être précise. On discute de voyages, et là, Manon dit soudain : "oh mais demain c'est le dernier weekend de trois jours que je peux me faire ! On doit partir !"
Oké. Où ? Quinze minutes sur internet et c'est décidé. Plein cap sur Gaeta. Comment ? En stop ? Recherche sur le net et question autour de nous : "è pericoloso*", disent les connaisseurs. Ca sera le train. Avec quoi ? Quelques textos plus tard, et on a trouvé une tente. On roulera nos couvertures avec une ceinture, et andiamo ! Mais d'abord on va faire un tour à Le Mura, notre bar préféré où on joue au baby foot avec le serveur, qui se dit "megliore giocatore del mondo !**"
*c'est dangereux
**meilleur joueur du monde
Rendez-vous est donc fixé à 11h30 à Termini, la gare centrale. Quand on arrive, notre train et supprimé à cause d'un train de marchandises qui a quitté les voies (c'est rassurant, n'est ce pas ?) entre Rome et Napoli. On réfléchit, on regarde une carte, on essaie de changer nos plans : oh, un train pour Sperlonga* ! On monte dedans et on se retrouve coincées dans une foule de voyageurs, assises par terre dans l'allée.
* sur la côte direction Naples
|
carte trouvée au musée le dernier jour, pour une meilleure compréhension |
Évidemment, comme on est chargées comme des boeufs, on rate notre arrêt et on descends à Formia. Arrivé là-bas, oh joies du voyage désorganisé, il pleut ... On saute dans un autobus qui nous conduit vers Gaeta, une cité médiévale assez étrange, avec sa colline en forme de carapace de tortue, sa légende bizarre ... Laissez-moi vous raconter :
Il était une fois un Turc (ou le Diable selon une autre version) qui ne croyait pas au Dieu des chrétiens. Un jour qu'il s'en venait du côté de Gaeta, et qu'il montait gaiement sur la montagne, qui en ces temps là était faite de terre molle et étrange, il mit sa main sur le sol (on sait pas trop bien pourquoi). A ce moment précis, la terre se mit à trembler, il y eut de la fumée, des trompettes célestes résonnèrent et le sol s'ouvrit en une longue faille rocheuse. Le Turc tomba alors à genoux et jura d'abandonner la foi musulmane en laquelle il se fourvoyait, pour se consacrer au Dieu des chrétiens. Encore aujourd'hui, la trace de ses doigts est visible dans la roche, et des millions de touristes y collent leur microbes parce que ça porte bonheur.
|
Mmmmh c'est tout humide au fond et tout ! |
Vous connaissez désormais la légende, du moins ce que j'en ai compris après l'avoir entendue raconter par la caissière de l'alimentari et par la guide touristique en haut de la montagne. J'ai rajouté deux trois détails parce que c'est comme ça les légendes, c'est une matière vivante dont on fait ce qu'on veut.
A Gaeta, on visite la ville avec nos énormes sacs à dos, on se fait arnaquer 2 fois (deux euros le café -en italie, quand un café coûte 1 euro, c'est cher-, et 20 euros de trop sur la note à l'épicerie ... ohoh !!), puis on gravit la montagne dans l'espoir de trouver un endroit où camper sauvagement. Comme la nuit tombe, arrivées presque en haut, on monte nos tentes au bord du chemin, faute de mieux. Je passe toute la nuit à flipper comme une folle car je crois entendre le bruit de quelqu'un qui ouvre la tente des bagages, je me vois déjà découpée en rondelles à la scie sauteuse puis donnée en repas à des chiens, je me rends compte que j'ai trop d'imagination, le lendemain, je réalise que le bruit provient d'un poteau électrique qui grince. Tssssssssssss.
Après un petit déjeuner composé de prunes et de biscuits, on termine l'ascension de la montagne où l'on découvre un mausoleo, construit au premier siècle avant J.C. et qui abrite les restes d'un homme politique romain et de sa famille. L'intérieur est assez impressionnant, on y entend siffler le vent, brrr ... La vue sur les alentours est magnifique. Sur les conseils de la guide rencontrée à l'entrée du mausolée, on prends le chemin panoramique qui descend vers la nouvelle ville de Gaeta (la veille on avait seulement vu la partie médiévale).
|
Youpiiii la plage !!! |
On va visiter la fameuse grotte du Turc, soit la faille où on peut voir la marque des doigts dont je vous ai parlé plus haut. C'est vachement joli. On va ensuite sur la plage, où je me baigne comme un petit chien fou qui saute dans les vagues (c'est vraiment comme ça que je le ressent, du moins). Elle est pas vraiment froide, mais il y a du vent donc je rejoins vite mes compagnones de voyage sur le sable où on pique-nique, miamiamiam.
Après toutes ces émotions, on se met en quête d'u moyen de transport pour gagner Sperlonga ; le ciel se fait menaçant ; on trouve un arrêt de bus et on embarque, c'est parti ! Arrivées à Sperlonga sous une pluie battante, nous nous réfugions dans un café sur la place de la très moche église moderne. Désemparée par le froid et l'humidité, je dis au serveur que j'envisage de demander l'hospitalité pour la nuit auprès de ladite église. A ces mots, il s'exclame d'un grand "Mammamia, ma no ! Io vi trovo un luogo per dormire, non chiamate alla chiesa !*"
* ma maman, mais non ! Moi je vais vous trouver un lieu où dormir, ne demandez pas à l'eglise ! (de mémoire et avec mon niveau en italien, ça donnait à peu près ça)
Cinq minutes plus tard il reviens avec un jeune mec de notre âge à peu près et nous présente : Marcello, il a une maison avec une chambre libre et il nous héberge, pas de problème. "Il travaille de 19h à minuit mais vous pouvez rester chez lui pendant ce temps, tant que vous lui ouvrez quand il rentre tout va bien".
Mais c'est parfait ! On va chez Marcello qui habite tout près de la mer, il nous a préparé un lit 2 places et un une place dans son salon, y a de la vodka dans le frigo, on peut se servir, là il va bosser. Bref j'épargnerais ici les détails mais on passe une bonne soirée, vers minuit on discute un peu avec lui avant de tomber de sommeil comme des mouches.
|
Sperlonga la plus belle ! |
Le lendemain : visite de la grotte de Tibère et des restes de sa maison. On apprend que le type était empereur et qu'il élevait des poissons dans des bassins où l'on voyait aussi de magnifiques jeux d'eau dans la grotte comme au dehors (oui bon je viens de regarder ça sur wikipédia, sur place je comprenais pas trop les panneaux d'information en italien original). C'est pas beau, c'est magnifique. Le ciel joue à donner à la mer mille couleurs qui passent du gris au violet et se déclinent en un milliard de paillettes de bleus différents.
|
Ce ciel, mes amis ! Ce ciel !! |
|
Vue de l'intérieur de la grotte, avec le village au fond qu'on verrait si mon appareil était un peu plus mieux |
Au retour je me re-baigne, il fait vachement plus froid sur la plage mais c'est tellement OUF comme sensation d'être là, au milieu des montagnes, dans les vagues, avec les îles au loin, les nuages ... Je me sens en osmose avec les éléments (une vraie hippie qui se baigne en culotte un 09 novembre, sous les yeux des autochtones en manteau et écharpe). On pique-nique à nouveau, re miamiamiam.
|
Ma petite culotte sèche au soleil pendant qu'on déguste des sandwitchs au saucisson et à la tomate. |
Là, il est plus où moins 16 heures, on se dirige vers le café de la veille où on termine notre road trip en jouant à la belote en attendant le bus qui nous ramènera vers Fondi, puis le train qui nous emporte jusqu'à Rome. Moi, je suis complètement morte mais ravie de ces trois jours de découverte : mon année erasmus commence sous les meilleurs hospices.