Dépêche spéciale en provenance de la Sapienza, université de Rome, où le soldat Lucie, en mission spéciale, tente sans relâche d'obtenir les informations suffisantes pour atteindre son objectif, connu sous le nom de code d'"emploi du temps". Malgré l'aspect labyrinthique des couloirs, la propreté toute relative des toilettes, la capacité extraordinaire des autochtones à crypter l'information et à la cacher dans des lieux toujours plus absurdes, le soldat Lucie ne renonce pas et reste à l'affût.
Il était temps que je parle un peu de la fac ici. C'est un peu le plus gros défi de l'année erasmus : trouver sa voie à travers les méandres de l'université, et pour ça, il y a différents niveaux de difficulté. Niveau 1, easy, tu vas en Angleterre, ou dans un pays où la fac coûte très cher, et du coup, c'est plutôt bien organisé, on t'aide et tout. Niveau 2, intermediate, tu vas en France. C'est un peu compliqué, on joue avec tes nerfs, mais il existe encore un principe très simple, le "tableau d'affichage" qui est là pour te tenir la main. Niveau 3, hard core, tu vas en Italie.Panneaux d'affichage cachés, secrétariats compliqués, informations contradictoires ...
Par exemple, pour trouver mon premier emploi du temps (qui changeras une semaine après) :
je suis allée au bâtiment "Lettere, Filosofia Scienze Umanistiche e Studi Orientali",
je suis montée au troisième étage,
j'ai demandé à un bureau où était affiché l'emploi du temps,
on m'a un peu envoyé balader, le tout agrémenté de vagues indications du bout (mou) du bras,
j'ai suivi ces indications,
j'ai pas trouvé,
j'ai cherché le bureau de mon tuteur,
j'ai trouvé,
j'ai attendu une demi heure,
il m'a dit de revenir à 17 heures,
je suis revenue à 17h,
j'ai attendu 1h,
je me suis endormie,
je me suis réveillée en sursaut, il était très gentil, il m'a montré où consulter l'emploi du temps,
je me suis fait un emploi du temps, j'étais contente.
Naïve, je criais victoire avant d'avoir seulement commencé. Après ça, j'ai été aux cours, et j'ai rencontré une foule de problèmes : le cours où je comprends rien (pourquoi on parle pendant une heure de la conception de la narration chez un philosophe que je ne connais pas et dont le prof n'a même pas donné les dates ou au moins le siècle ?), le cours où y a plus de places assises (j'ai déjà donné en première année, prendre des notes par terre collée contre des gens qui disparaîtrons dans un semestre), le cours qui fait 12 crédits (parfait !) mais qui se suit sur un an (pourquoi préciser ? ah mais pardon, c'est écrit là, en minuscule) et donc ne fait plus que 6 crédits le semestre, le cours où on parle d'un cheval (??) peint dans une église quelque part à Rome par quelqu'un je sais pas quand, le cours de latin où on doit lire L'art poétique d'Horace en V.O. du Ier siècle avant J.C., etc, etc.
Bref, j'ai du mal avec la fac pour le moment. En plus, c'est assez différent d'en France. L'ambiance est très très sage en cours, tu te permets pas trop de faire une blague à ta voisine ni de poser une question, car personne ne le fait ! On est assez nombreux, les gens se connaissent entre eux mais j'ai du mal à me lier : il faut dire que l'assiduité n'est vraiment pas obligatoire, et donc je ne revois pas souvent les même personnes. Les cours sont tout de même intéressants mais le niveau de langue est difficile : genre les poèmes écrit en italien vulgaire du XVI ème siècle c'est pas ce que j'ai connu de plus simple. Mais bon, je vais y arriver, je n'ai pas le choix.
Et voici ci-dessus la statue de Minerve, qu'on ne doit pas regarder dans les yeux sous peine de ne pas avoir sa licence. Évidemment je l'ai regardée dès mon premier jour à l'université et tout les jours d'après quand je passe devant. C'est peut être de là, que vient le problème ...