Ah, les examens ... douce période pendant laquelle on ne s'ennuie guère ! Surtout en Italie, à Rome, Sapienza, faculté de Lettres et de Philosophie, département d'études italiennes, 4 ème étage, deuxième couloir, à gauche. Oh, non, on ne s'ennuie pas !
Aujourd'hui, je me suis réveillée vers 9 heures afin de me rendre à la fac pour un oral prévu à 10h30. J'imprime la "ricevuta", document que la prof doit signer si je réussit l'épreuve. Je prend le métro, j'arrive à l'heure (même pas une petite grève ? ah pardon on n'est pas vendredi).
Dans le couloir, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens. La prof, une petite vieille un peu frêle se hisse sur les marches d'un escalier et commence le traditionnel appel qui précède les oraux en Italie. Au bout de quelques instants, j'entends sa voix buter contre un nom aux consonances tudesques, puis s'exclamer :
" - Mais vous savez que vous, les erasmus, vous ne pouvez pas passer cet examen ?!"
WHATWHATWHAT ??!!? Il s'agit de la dernière session, si je ne peux pas le passer, il me manque 12 crédits, je n'obtiens pas ma licence et je vais préparer des hamburgers chez mcdo au lieu de partir à Lille en master. Je vais pleurer.
" - Mais, comment ça ? Pourquoi ?
- Parce qu'il s'agit de l'examen d'un cours qui a eu lieu en 1911, précise la prof
- Euh ... on est au XIX ème siècle !, s'exclame une voix au fond
- Oui, c'est pareil, c'est un examen d'un cours de 2011, de l'année dernière, vous ne pouvez pas le passer, c'est comme ça.
- Et comment on fait, alors ?
- Vous revenez en septembre."
HEIIIING ?
" - Mais madame, on y est plus, nous, en septembre !
- Bon, débrouillez vous avec le bureau erasmus, moi, en tout cas, je ne vous fais pas passer."
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ma réaction |
Heureusement, j'avais mon porte bonheur avec moi et la fortune nous fut clémente.
Le bureau erasmus était ouvert.
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le ... le bureau erasmus est ouvert ? pour de vrai ? |
" - Ah, la signora F*** ... oui, elle nous fait souvent le coup. Bon alors vous prenez ce document, elle doit le remplir, le signer et le tamponner après votre exam, puis sur internet, il faut qu'elle vous inscrive au cours de l'année 2012. Si elle refuse, vous lui dites de nous téléphoner. Ca va aller."
Ouf. Les employés des relations internationales sont souvent gentils, heureusement. On était mal, on se sent un peu mieux.
Retour au 4ème étage. La prof débarque, scotche sur le mur une liste de noms longue comme 4 feuilles A4 mises bout à bout. On l'attrape au vol :
" - Madame, on a réglé ça avec les relations internationales, il faut que vous ...
- Basta, s'ils ont trouvé une solution, d'accord, oui, oui ..."
Et elle s'en va. Oké. On s'approche de la liste de noms, et là, ravie, je découvre qu'en fait, je suis
75ème sur je-sais-pas-combien et que je ne passe que vendredi. Gé-nial.
Mais ne partez pas, mon histoire ne s'arrête pas là ! Oh non.
L'allemande et moi discutons, il s'avère qu'elle est très sympa, qu'elle viens de Heidelberg et qu'on a choisi d'étudier le même roman que moi. On partage tranquille nos points de vue quand arrive une étrange personne : une grecque, complètement décoiffée, en tongs et mini short, précédée par une odeur entre mille reconnaissable, celle de l'alcool.
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"Hi, gi-girls" |
La meuf est à la bourre, elle comprend pas un mot d'italien, et quand on essaie de comprendre son problème, elle se met à gueuler :
"I just want a fucking signature ! You know ! Just a fucking signature !!"
Slow down, girl. On fini par comprendre qu'elle considère que les erasmus ne sont pas supposés aller en cours, qu'ils n'ont pas à lire les livres ni à étudier, et que les crédits leur sont dus. La meuf raconte n'importe quoi, elle dit qu'elle n'a pas l'intention de répondre aux questions de la prof :
"We're erasmus, you believe we're supposed to study or what ?!"
Ben, euh, en fait ... c'est le principe d'une
mobilité étudiante, c'est que tu vas dans un autre pays pour
étudier. Mais elle ne s'arrête pas là, et s'allume une cigarette en plein milieu du couloir, avant de proférer, super fort et en crachant sa fumée au visage de tous :
"Italians are all ignorants ! They don't know english ! They're stupids ! What are they doing at school ?!"
Ca y est, tout le monde la regarde, et par la même occasion,
nous regarde.
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"what the fuck do you want ?!" |
On réussit à la pousser dehors ou elle finit sa cigarette pendant qu'on affiche des sourires gênés en regardant alentour. Quand elle revient, elle n'est pas pour autant calmée.
Arrive alors la prof. La grecque se jette sur elle. Sans préambule, elle lui sort, dans un italien très approximatif :
" - Hey ! Moi je fais pas examen, je pas tudié. Je veux signature ! Juste signature !
- Mais vous savez que vous êtes obligée de passer l'examen et que vous devez avoir des connaissances pour obtenir cette signature ...
- Non, je erasmus, et erasmus n'étudient pas. Comme ça, normal. Nous pas travailler. Mais je veux signature."
Et là ... la prof, complètement vénère, se met à gueuler sur la grecque que son comportement est intolérable, et qu'elle ne signera rien du tout. La grecque passe alors en mode guedin et se met à insulter la prof en grec. Les deux se crient dessus, tout le couloir regarde, la bouche cousue, jusqu'à ce que la grecque parte en hurlant dans sa langue à plein poumons. Méchante ambiance.
Bon là j'ai souhaité bon courage à l'allemande pour passer derrière un pareil scandale et je m'en suis allée ... pour mieux revenir vendredi, en espérant que la tempête se sera apaisée.
Je vous l'avais dit que pendant les exams en Italie, on ne s'ennuie jamais ...