dimanche 16 octobre 2011

La manifestation du 15 octobre, récit vu de l'intérieur

Comme vous le savez probablement, ce samedi 15 devait avoir lieu une manifestation mondiale pour protester cintre la crise et les politiques financières mondiales. Dans le prolongement du mouvement des indignés, nés à Madrid, cette manifestation avait pour but de créer un énorme mouvement populaire mondial, exprimant un raz-le-bol et un rejet général du système économique qui tend toujours à protéger les riches et leurs acquis.
Je suis donc allée me joindre au cortège des indignés romains. Rome, dont les médias n'ont montré que des images de violence, de guerre entre manifestants et policiers, dont on voudrait nous faire retenir seulement les voitures brûlées, les magasins saccagés, les banques assaillies. 

Indignés de tout les pays, unissez vous !
Donc nous partons de la maison à 15 heures avec notre voisin et ses amis italiens (on comprends rien a ce qu'ils disent ...). Dans le métro, on saute les stations "colosseo" et "cavour" qui sont fermées parce que le cortège passe à côté. On descend à termini, où l'on découvre une importante masse de personnes, compressées par la rue, qui se dirigent vers cavour, leur banderoles en l'air, sans trop crier de slogan. Car, oui, en Italie, c'est pas leur truc. Quand on demande à Giacomo, le voisin, de nous apprendre les grands "classiques", il nous dit que ça n'existe presque pas, à part "Berlusconi, pezza di merda infama, tatatatatatata*". Notre colocataire argentin, Jorge, a une explication un peu plus critique. Pour lui, les italiens sont des révolutionnaires d’ascenseur, qui feraient la révolution en discutant politique dans l'ascenseur avec le voisin, mais qui n'en disent jamais autant au grand jour. Aujourd'hui, tout de même, ils sont nombreux à être sortis des ascenseurs pour montrer, faute de crier, leur révolte. 
*B., tas de merde infame

Les étudiants avaient ressorti leurs accessoires de la révolte de décembre dernier
On se mêle au cortège, il y a de nombreux chars qui diffusent en alternance discours et musique. Une voix résonne, et clame avec hargne dans le micro un discours dont je ne comprends que l'essentiel : "Oggi ! Tantissimi ! Ingiustizia ! Governamento ! Cambiare ! Mondo *". Je suis absolument d'accord.
Notre voisin et ses amis, avec qui nous manifestons, semblent pressés et tracent à tout vitesse à travers le flot de manifestants. On s'arrête tout de même cinq minutes à un char sur lequel chante à tout vitesse un rappeur italien, Frankie Hi-NRG. A cause d'un contre jour, mes photos sont très moches, je vous laisse donc découvrir le personnage en vidéo. La chanson s'appelle "Potere alla parola", ce que je me permets de traduire par "La parole à le pouvoir" ...
* Aujourd'hui ! Très nombreux ! Injustice ! Gouvernement


On va tellement vite qu'on rattrape la tête de cortège au Colisée. A ce moment là, le cortège commence à se diviser en plusieurs branches, entre la via Labicana, que nous empruntons, et plusieurs autres rues. Comme souvent quand ça se disperse, ça se radicalise aussi pas mal. On voit passer des types encagoulés, ici, on a plus peur de crier des slogans politiques, il y a pas mal de poubelles brûlées, de voitures en pièces. 

On commence comme ça, tranquille, un petit pet sur un voiture de riches, et puis ... on peut plus se retenir.

Un peu plus loin, j'aperçois les vigili del fuoco. Il y a deux camions, ça sent le brûlé, l'échelle est sortie ... Un des amis de Giacomo dégaine son i-phone et nous apprends qu'il s'agit d'un bâtiment du ministère de la défense. Quelques personnes raillent l'aspect un peu miteux des locaux, s'étonnant qu'il s'agisse de la défense.


D'un seul coup, mon coeur s'emballe : tout le monde se met à courir en arrière, sans même savoir pourquoi, je cours, je cours ! "Piano, piano, tranquila !!!" crient des manifestants restés immobiles. Je m'arrête et constate qu'il n'y a pas de raison d'avoir peur, car la vague de panique arrive de bien plus loin, en avant de la manifestation. A ce stade là, les policiers bloquent une rue après l'autre pour forcer la dispersion des manifestants. Cependant, ce qui aura raison de moi, c'est la faim qui me tenaille, mon repas de midi se résumant à une boite de maïs avec un peu d'huile. Ma coloc et moi, on sort donc du cortège pour se rendre dans une pizzeria où la télévision retransmet en direct des images des violences (et uniquement des violences). Je suis choquée, scotchée à l'écran où défilent de véritables images de guerre. Les CRS semblent désorganisés, face à une bande de jeunes prête à tout détruire à coup de cocktail molotovs. En discutant avec des italiens de cette désorganisation de la police, qui semble mal préparée, voire pas préparée du tout (oubliez les CRS français en mode robokop qui foncent bien en ligne et bouclier en avant), je découvre qu'ils sont nombreux à penser que la police le fait exprès. Leur théorie -du complot-, c'est que le pouvoir laisse dégénérer les manifestations afin de pouvoir pointer du doigt la gauche et renforcer leur propre position : vous voyez, ces gens là sont des assassins, les communistes mangeront vos enfants, votez Berlusconi. D'ailleurs la presse joue parfaitement ce jeu (pas trop étonnant, dans un pays où la liberté de la presse est vraiment très très relative) : la preuve avec cette image qui reprend les titres des journaux de ce matin. 


Traduction : 
Il tempo : Les indignés dévastent la capitale et incendient un blindé.CASSEURS SUR ROME
il Giornale : Plus que des indignés, CE SONT DES CRIMINELS
La Padana : LA GAUCHE VIOLENTE DÉTRUIT ET VEUT TUER
Libero : COCCHI DI SINISTRA (si quelqu'un peut me traduire cocchi ? Il semblerait que ça veuille dire "cocher" mais je n'en sait pas plus) Ils ont dévasté Rome, attaquant et blessant les forces de l'ordre, cherchant à tuer. Pour nos progressistes, "le désagrément est normal". Au contraire, il est temps de dire : ça suffit ! ("le désagrément est normal" est mal traduit ... "Il disagio va capito" : aiuta, se qualcuno sa il senso ... !)

Bref, cet épisode m'a fait pas mal cogiter sur l'engagement politique et sur le discours politico/médiatique et je pense que c'est le cas pour nombreux d'entre nous. J'espère que vous êtes allés manifester, si c'est le cas je serais ravie d'avoir votre avis dans les commentaires : comment c'était, en France ? Ou dans d'autres pays ? Peut être aussi que vous n'êtes pas d'accord ? Tout m'intéresse !
Pour plus d'info, je vous laisse lire le Monde, Rue 89, Courrier International ... etc.
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2 commentaires:

  1. lucie!
    as tu vu tout les soleils? film sur une famille italienne se passant à strasbourg.
    des bisous!
    inès l'hénoret des beaux arts

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  2. Non, mais j'en ai entendu parler :)
    Je note ça dans un coin de ma tête, merci :)
    Bisous ines !

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